UNE TECHNOLOGIE AU POTENTIEL IMMENSE

mars 27, 2017 11:41 am Publié par Marilyn Remillard Catégorisé dans:

Il est rare de voir apparaître une nouvelle technologie qui pourrait transformer la société, comme le moteur à vapeur, l’électricité ou la puce électronique.

La technologie au plus grand pouvoir transformateur aujourd’hui pourrait être l’intelligence artificielle (IA), en particulier l’apprentissage profond et l’apprentissage par renforcement qui pourraient changer notre mode de vie à la maison et au travail, et qui ont le mérite d’être de véritables réussites canadiennes.

Comme toutes les technologies transformatrices, l’IA crée de nouvelles façons de faire les choses dans nombre de domaines, du diagnostic des maladies à la conduite automobile.

Grâce à la présence d’une solide assise de recherche, le Canada devrait se fixer le grand objectif de devenir un chef de file mondial de l’intelligence artificielle et de ses applications sur le marché.

INITIATIVE FÉDÉRALE

Cette semaine, le gouvernement fédéral a agi en ce sens par l’annonce d’une initiative en IA qui constituera le fondement de la stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle. Par l’entremise de l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA), cet engagement de 125 millions contribuera à mettre sur pied trois instituts d’intelligence artificielle au sein de centres canadiens qui sont déjà parmi les meilleurs au monde, à aider nos universités à embaucher et à maintenir en poste de grands scientifiques, et à former des centaines d’étudiants diplômés.

L’initiative financera aussi la recherche sur les répercussions sociales, juridiques et éthiques de l’intelligence artificielle profonde pour créer une technologie de marque canadienne qui répond aux besoins, aux préoccupations et aux ambitions de l’être humain et non pas le contraire. Comment avons-nous réalisé toutes ces avancées ? L’apprentissage profond et les techniques connexes sont issus des laboratoires de Geoff Hinton (Université de Toronto), Yoshua Bengio (Université de Montréal) et Yann LeCun (Université de New York), en collaboration avec Richard Sutton (Université de l’Alberta) et plusieurs autres chercheurs à qui l’ICRA offre son soutien au sein de son programme Apprentissage automatique, apprentissage biologique.

La science a amélioré la capacité des ordinateurs à repérer les motifs et à faire de meilleures prédictions en fonction de ces motifs, à l’aide de réseaux neuronaux artificiels, un peu comme fait l’humain pour apprendre. Si une balle surgit devant une voiture, un bon conducteur freinera, car il est possible qu’un enfant coure dans la rue pour le récupérer. Une voiture intelligente, contrôlée par l’IA, tirerait la même conclusion, mais plus rapidement.

Et voici un autre exemple : comme il a été signalé dans la revue Nature, un logiciel fondé sur l’IA profonde peut maintenant reconnaître un cancer de la peau à partir d’images avec la même précision qu’un dermatologue. L’IA ne va pas éliminer la nécessité d’avoir des dermatologues, mais va simplement accélérer et améliorer le processus diagnostique, couper les coûts et permettre aux médecins de passer plus de temps avec les patients pour discuter des divers modes de traitement.

Dans de nombreux secteurs, nous voyons déjà comment l’IA change la nature du travail lui-même, en diminuant le besoin de tâches répétitives et en permettant un travail plus intéressant, plus varié et plus pertinent, pour assurer une meilleure sécurité d’emploi au Canada au sein d’une économie mondiale.

Utilisés largement, ces outils peuvent rehausser la compétitivité des entreprises canadiennes, et améliorer l’efficacité des gouvernements et l’efficience des services sociaux et de santé.

Malgré nos percées scientifiques précoces dans le domaine, nous sommes en train de perdre du terrain au profit des grandes puissances de l’IA. Entre autres indicateurs de ce phénomène : les entreprises canadiennes ont acquis seulement 18 jeunes entreprises en IA sur un total de 658 acquises sur le plan mondial.

Conséquemment, bien que notre objectif soit de garantir la place centrale du Canada dans le domaine de l’IA, nous devons aussi inciter les entreprises, les entrepreneurs et les investisseurs canadiens à saisir les occasions qui se présentent à eux, car celles-ci vont de pair.

Pour nous aider à atteindre notre objectif, voici trois priorités immédiates :

Premièrement, il nous faut élargir le bassin de talents au Canada. Nous devons maintenir en poste les grands universitaires que nous avons déjà, renforcer nos programmes universitaires et nos programmes de formation en IA, et élargir notre portée auprès de la prochaine génération d’entrepreneurs dans le domaine de l’IA. Il nous faut rationaliser notre processus d’immigration pour les personnes hautement qualifiées et présenter le Canada sur le plan international comme une ressource et une destination en matière d’IA.

Deuxièmement, nous devons mettre au point les conditions nécessaires au succès des entrepreneurs. Les jeunes entreprises en IA ont besoin de capital-investissement, de ressources informatiques, de données, et d’une communauté de mentors et de collègues entrepreneurs. Des programmes novateurs au pays, comme Element AI à Montréal, Creative Destruction Lab à Toronto, Amii à Edmonton et NextAI démontrent comment le Canada peut être un terreau fertile pour les jeunes entreprises et un lieu où celles-ci peuvent évoluer. Il faudrait assurer l’expansion de ces programmes et la création de nouveaux pour semer des idées et garantir que les meilleurs d’entre eux restent et évoluent au Canada.

Finalement, nous devons aider les entreprises établies à tirer profit de l’IA. Des centres de recherche à Edmonton, à Montréal et à Toronto-Waterloo offrent l’occasion à des entreprises canadiennes de travailler étroitement avec des universitaires. Les gouvernements peuvent contribuer à tisser ces liens à travers le Canada, et aussi avec le reste du monde.

Depuis toujours, le Canada réalise de grandes percées scientifiques que d’autres s’approprient. L’investissement au profit de l’IA annoncé dans le budget de 2017 ouvre un nouveau chapitre sur le plan de la technologie canadienne.

C’est maintenant au secteur privé, de concert avec la communauté de la recherche et le gouvernement, d’ouvrir la voie à un autre grand succès canadien.

* Dr Alan Bernstein, O.C., président et chef de la direction de l’ICRA ; Pierre Boivin, O.C., président et chef de la direction de Claridge Inc. ; David McKay, président et chef de la direction de RBC

Source : Dr Alan Bernstein, Pierre Boivin et David McKay, La Presse +, 27 mars 2017