Red Barrels : le jeu dans le sang…
Un peu plus d’un mois après le lancement de son dernier jeu, le spécialiste montréalais du jeu d’ambiance lugubre prend un peu de temps pour mijoter sa prochaine idée, avec le désir de développer une nouveauté d’un registre différent. « On va s’amuser à animer des arcs-en-ciel et des Calinours maintenant… », blague Philippe Morin, président de Red Barrels.
Créateur indépendant de jeux vidéo en mode solo, tels que ses produits phares Outlast, l’extension Outlast Whistleblower et Outlast 2, Red Barrels ‘joue fort’. Ses premiers jeux misent sur le thème « horreur et survie », un créneau au grand potentiel qui n’avait pas été exploité du tout au Québec et était délaissé par les grands joueurs de l’industrie.
Distribués par Valve (avec la plateforme Steam), PlayStation 4 et Xbox One, les univers sombres de Red Barrels démontrent avec une créativité hors du commun que les monstres les plus effrayants sont ceux qui habitent l’esprit humain.
Outlast, jeu cauchemardesque qui laisse le héros dans tous ses états, a été nommé en 2013 Meilleur jeu pour PC par GamingBolt et Jeu le plus épeurant par Press Play TV, en plus d’avoir reçu le prix Fans’ Choice lors de la cérémonie des Canadian Videogame Awards.
Les principaux marchés de Red Barrels sont les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Allemagne où Outlast sème la terreur auprès de plus de 8 millions de joueurs depuis 2013. Red Barrels a déjà vendu 550 000 unités d’Outlast 2 depuis son lancement le 25 avril dernier.
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Désirant créer des jeux de haute qualité, réalisables par une petite équipe des meilleurs développeurs du Québec, les cofondateurs de Red Barrels décident de lancer l’entreprise en 2011.
Après avoir réalisé divers projets clés chez de grands joueurs tels qu’Ubisoft et Electronic Arts, Philippe Morin, David Châteauneuf et Hugo Dallaire avaient envie d’un changement. « On souhaitait recommencer à travailler en petites équipes, afin de pouvoir demeurer hands-on et passer moins de temps dans des salles de réunion », raconte Philippe. « On voulait faire le jeu, pas juste en parler. »
Philippe Morin a étudié en cinéma et a commencé dans le secteur du design de jeux vidéo un peu par hasard, alors qu’il avait postulé pour un rôle de scénariste. Le président de Red Barrels, qui a également enseigné à L’inis et à l’Université de Montréal, est inspirant et visiblement passionné par son domaine. Il vous donne humblement l’impression que concevoir une entreprise d’envergure est aussi simple que captivant.
C’est avec beaucoup d’enthousiasme et une dose de réalisme acquise au démarrage qu’il entame avec ses amis la recherche de financement pour Red Barrels. Un an et demi plus tard, avec en poche 1 million de dollars du Fonds des médias du Canada, 330 000 dollars en love money et une garantie de prêt de 150 000 dollars du SDEVM, Red Barrels s’attaque enfin à la production de la version PC de son premier jeu. « Nous sommes fiers d’avoir livré Outlast, qui a été un succès du premier coup, sans dépasser notre budget et tout en conservant notre indépendance », affirme Philippe. « Sony et Microsoft ont montré un intérêt à offrir le jeu avec leurs consoles et le jeu a été très bien reçu, alors la distribution a été très simple ensuite », raconte-t-il.
Après avoir créé sa propre propriété intellectuelle et consolidé son succès avec la sortie du 2e opus d’Outlast, Red Barrels reprend son souffle et tente de prendre un peu de recul. Et pour la suite? Red Barrels ne fonctionne pas exactement avec une vision à long terme. Tout dépend des projets qui vont naître dans son imaginaire fabuleux. « C’est la beauté d’être entièrement indépendant et de demeurer petit. On peut être flexible et nos ambitions de développeurs sont aussi importantes que nos ambitions en tant qu’actionnaires », explique Philippe.
3 à 12 joueurs
Pour Philippe Morin, le secret du succès des jeux de Red Barrels se trouve dans son équipe, qui compte maintenant 12 membres. « Plus que toute autre technique artistique, la production d’un jeu est un travail d’équipe », indique-t-il. « Il est donc primordial d’embaucher des développeurs talentueux et passionnés, ce qu’on a réussi à faire. »
En outre, l’indie chérie des joueurs d’horreur n’est pas pressée de devenir une ‘grande’ organisation, comme certains de ses concurrents. « Au quotidien, il y a divers avantages au fait de pouvoir organiser une rencontre d’équipe à tout moment, ou discuter d’une question qui affecte les projets en se rendant tout simplement au poste d’un collègue, à quelques pas du sien… », explique Philippe. « Également, rester une ‘petite’ entreprise nous permet de continuer à faire ce qu’on aime le plus, créer des jeux. »
Parmi les défis à relever pour un petit créateur de jeux, Philippe Morin souligne : « Il faut trouver le bon équilibre, se concentrer sur les priorités quand il est question d’attribuer les tâches, savoir identifier les choix les plus rentables. »
De plus, le président de Reb Barrels mentionne que les gens au Québec misent encore sur les emplois stables, la permanence. « Trouver des personnes de talent qui acceptent les contrats à moyen terme n’est donc pas facile dans un contexte où les projets sont temporaires. »
Aussi, des ajustements se sont imposés pour l’entreprise au fil de la croissance. « On a réalisé qu’on préférait éviter de développer une culture ‘de grande entreprise’, même avec l’ampleur que prenaient nos activités », indique-t-il. « Les membres de l’équipe semblent plus heureux dans un contexte de petite entreprise, où priment la transparence et la convivialité. »
La technologie en jeu
L’ère de la publication numérique offre à Red Barrels un lien plus direct avec le consommateur. « On n’a pas à négocier avec les magasins, ni à débourser pour fabriquer des boîtes et des disques contenant le jeu », mentionne Philippe. Ce lien accélère la commercialisation, en plus de faciliter l’optimisation des produits pour le créateur de jeux vidéo.
Améliorer le produit pour le joueur est certainement une priorité pour Red Barrels. Philippe souligne d’ailleurs un défi qui s’est présenté avec Outlast 2, qui a été conçu avec le même moteur de création de jeu que sa première version. « Il fallait faire évoluer la technologie pour ne pas que notre jeu soit dépassé », explique-t-il.
Aussi, pour créer des univers qui savent plaire à ses utilisateurs, Red Barrels met à profit diverses expertises. « On a consulté des étudiants de McGill pour la version originale d’Outlast. L’action se déroulait dans un hôpital psychiatrique, alors on avait besoin de renseignements pour les profils psychologiques des personnages, par exemple », précise Philippe. « Le deuxième est mis en scène dans une secte, ce qui facilitait les choses, on pouvait s’inspirer de tout le contenu qu’offre Internet », ajoute-t-il.
Red Barrels a également recours à des pigistes pour la musique (Samuel Laflamme) et la scénarisation (JT Petty) de ses jeux. L’entreprise fait appel à des partenaires pour l’enregistrement des voix (Game On), les mises à l’essai (Enzyme), les animations supplémentaires (NewBreed, Game On) et la capture de mouvement (Game On, CDRIN).
Jouer l’avenir
Philippe Morin constate que l’industrie du jeu vidéo d’ici ressemble de plus en plus à celle de la Californie, où il a travaillé. « Un écosystème en santé a besoin des grosses boîtes et des plus petites », souligne-t-il. « Cela offre des expériences différentes aux développeurs, qui améliorent leurs compétences, et c’est toute l’industrie qui en tire profit. Il y a quelques années, la mobilité était vue uniquement sous un angle négatif au Québec. Avec l’arrivée des nombreux studios indépendants, les choses changent. »
Le président de Red Barrels remarque aussi l’excellent esprit de collaboration qui caractérise le milieu des studios de jeux vidéo. Un atout qui favorise leur développement, au grand bonheur des amateurs d’ici et d’ailleurs !
SOURCE :
Mélanie Pilon, Rédactrice pour le programme Vitrine TI des partenaires en TIC
Une initiative du Chantier Promotion de l’industrie de TechnoMontréal et ses partenaires
Pour en savoir plus
Photo : Philippe Morin, Président de Red Barrels
INFORMATIONS
Benoit Labbé, Directeur principal – stratégie et partenariats, Techno Montréal