Québec doit être vigilant avec l’intelligence artificielle

avril 11, 2019 12:34 pm Publié par Marilyn Remillard Catégorisé dans:

En retour de ses centaines de millions de dollars de subventions à l’intelligence artificielle, le gouvernement du Québec ne négocie aucun droit ni participation sur les brevets et les applications commerciales pouvant résulter des projets qu’il finance avec nos impôts et taxes.

C’est ce qu’a confirmé au Journal le ministère de l’Économie et de l’Innovation qui accorde lesdites subventions à l’intelligence artificielle (IA).

Que Québec et Ottawa investissent dans le développement de l’intelligence artificielle, c’est assurément défendable. Mais cela doit se faire de façon « clairvoyante » afin de permettre aux gouvernements d’en bénéficier financièrement.

Est-ce le cas jusqu’à présent, alors que Québec et Ottawa ont injecté dans le développement de l’IA plus de 3 milliards de dollars en subventions, en investissements dans les infrastructures de recherche numérique et exploitation de données massives, en crédits d’impôt, etc. ?

Pas sûr que l’apport financier des gouvernements dans l’IA est fait de façon « clairvoyante » si l’on en croit le rapport de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) sur les retombées économiques et sociales du financement public de l’intelligence artificielle.

« Malgré l’importance des sommes investies, aucune régulation n’est encore mise en place pour garantir des retombées économiques locales. L’absence de régulation des entreprises en IA soutenues par des fonds publics comporte des risques majeurs d’ordre économique et social, dont le plus évident est une concentration des capacités d’innovation et des richesses entre les mains de quelques acteurs puissants », affirment les auteures du rapport de l’IRIS, Joëlle Gélinas, Myriam Lavoie-Moore et Lisiane Lomazzi.

Qui sont ces acteurs puissants que notre «écosystème» de l’IA développé avec les plantureux fonds publics attire à Montréal? Ce sont les grands joueurs de l’industrie des technologies de l’information, tels que Google, IBM, Microsoft, Facebook, etc.

QUE CRAINT-ON?

Qui dit investissement massif de la part des gouvernements dans l’IA, dit notamment découvertes d’applications à fort potentiel et création de jeunes entreprises prometteuses.

Quel est le problème ? On craint que les grands acteurs du numérique (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) mettent le grappin sur les brevets de ces startups et applications sans que les gouvernements bénéficient de retombées intéressantes.

Ces craintes sont-elles justifiées ?

Oui!

PROJETS IA

Par rapport aux projets d’IA ci-après que Québec subventionne à hauteur de 420 millions $, il faut savoir que le gouvernement n’a négocié aucun retour sur son investissement en termes de droits ou de participations sur les brevets et applications commerciales pouvant résulter de ces projets.

Projet ENCQOR : 5G Québec-Ontario, partenariat public privé dans lequel Ericsson, Ciena Canada, Thales Canada, IBM Canada et CGI sont impliqués : 67 M$

Amélioration des infrastructures de calculs de pointe au Québec : 12,5 M$

Pôle de recherche centralisé soutien au MILA et IVADO : 100 M$

Soutien financier aux organismes de valorisation et de promotion du potentiel économique de l’IA : 58,4 M$ pour les incubateurs et accélérateurs au Québec et 10 M$ destinés à Creative Destruction Lab et Next AI.

SCALE AI : 2,4 M$ pour les centres d’excellence en lien avec l’IA ; 10 M$ et 60 M$ pour maximiser les retombées de ce projet au Québec.

Supergrappe québécoise en IA : 100 M$

Dans le cadre de ces projets, on m’indique au ministère de l’Économie et de l’Innovation que l’intention de Québec se limite à «soutenir les projets et les entreprises québécoises» qui utilisent l’intelligence artificielle dans le développement de leurs affaires.

En retour de ses subventions en intelligence artificielle, il mise sur la « croissance de la richesse pour la société » par l’entremise de la création d’emplois, le démarrage d’entreprises, la formation d’une relève qualifiée…

Il me semble que Québec pourrait nous négocier une petite ristourne avec ça!

Source : Michel Girard, Journal de Montréal, 9 avril 2019