« Le déni est notre pire ennemi », soutient le PDG d’Investissement Québec
L’heure est grave. Si les entreprises de la province aspirent encore à un avenir prospère, elles n’auront d’autres choix que de jouer la carte de l’innovation et avec elle, celle de la transformation numérique.
Pierre Gabriel Côté, président-directeur général d’Investissement Québec, en est convaincu. En particulier pour l’industrie manufacturière qui, malgré son déclin indéniable au cours des dernières décennies, demeure importante dans la province.
«Le déni est notre pire ennemi», a-t-il déclaré, en entrevue avec Les Affaires. Lui-même issu du secteur manufacturier (pâtes et papiers, aéronautique, agroalimentaire), ce dernier soutient ne pouvoir rester insensible devant les retards technologiques de plusieurs PME manufacturières du Québec.
«J’ai trop de cicatrices, j’ai trop vu les conséquences malheureuses de l’arrivée de technologies de rupture sur des secteurs complets de notre économie, comme celui du bois par exemple, pour ne rien dire, les bras croisés.»
Le manufacturier représente encore 14% du PIB, près de 500 000 emplois directs, et 90% des exportations du Québec. Il y a près 20 ans seulement, en 2000, le manufacturier était responsable de 21% du PIB. Le recul est donc évident. Mais il y a encore moyen d’intervenir.
Nouvellement arrivé en poste, le PDG d’Investissement Québec a mis sur pied une tournée du Québec afin d’inciter les dirigeants et propriétaires d’entreprises à prendre le virage numérique. En partenariat avec les chambres de commerce locales et les 17 bureaux régionaux que compte Investissement Québec, l’équipe de M. Côté se déplace ainsi depuis deux ans partout au Québec pour éveiller les gens d’affaires aux risques réels de se complaire dans le confort de l’attentisme.
Car en cette ère de l’industrie 4.0, le train de l’innovation va plus vite que jadis, martèle le PDG d’Investissement Québec, pour qui le temps presse. «Ce qui prenait dix ans à implanter auparavant ne prend plus qu’un an ou deux. Plus que jamais, dit-il, le déni du changement est notre pire ennemi. Il faut agir, maintenant.»
Il faut dire que le Québec revient de loin. Une étude récente révèle que seulement 8% des entreprises manufacturières du Québec peuvent se vanter d’une maturité technologique supérieure. Et que pas moins de quatre entreprises sur dix (38%) sont carrément à la traîne.
Les chercheurs qualifient leur degré de maturité industriel de niveau «artisanal», déplore Josée Beaudoin, vice-présidente, Innovation et Transfert du CEFRIO, qui se spécialise dans recherche et l’innovation dans les organisations. «Le plus souvent, ces entreprises sont encore régies par des processus de production manuels, soutenus en partie par des outils de bureautique.»
Le projet récent de La Maison Simons d’un nouveau centre de distribution entièrement automatisé et robotisé rejoint cette volonté de changement que Québec souhaiterait voir davantage présente dans les milieux des affaires de toutes les régions du Québec. Il ne faut donc pas se surprendre que par l’intermédiaire d’Investissement Québec, le gouvernement du Québec ait choisi de prendre une participation de 17M$ dans le capital-actions du détaillant, en plus de lui accorder un prêt de 81M$.
«En nous déplaçant, en allant à leur rencontre pour les éveiller et leur offrir notre accompagnement, nous espérons un effet de contamination», admet l’ex-patron, notamment de Bombardier. D’ailleurs, ce dernier estime que la tournée aura déjà servi, au moins en partie, de bougie d’allumage à plus de 400 projets innovants, d’une valeur cumulative de 2,7G$ en deux ans.
S’inspirant de l’expérience de la société d’État, la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Industrie (MESI), Dominique Anglade, a annoncé le mois dernier le lancement d’une tournée numérique à l’automne 2018. À la différence de celle d’Investissement Québec qui se concentre sur le secteur manufacturier, celle du MESI s’adressera aussi aux secteurs du tourisme, du commerce de détail et de la construction.