L’atout canadien en robotique | Enquête sur le Manufacturier avancé Qc 2017

avril 21, 2017 8:17 am Publié par Marilyn Remillard Catégorisé dans:

Par Jean-­Guy Rens, Directeur de l’étude Enquête sur l’automatisation, du secteur manufacturier québécois

Le secteur manufacturier au Québec a cessé de s’amenuiser. La délocalisation des activités vers l’Asie ou l’Amérique latine semble être compensée par la création industrielle domestique. Mais il ne s’agit plus d’un retour des entreprises du passé. Au Québec, comme partout dans le monde, on voit apparaître une entreprise de pointe, fortement automatisée à l’équipement connecté dans un système informatique centralisé. Le secteur manufacturier est en passe de devenir un secteur de haute technologie. Un lieu de rêve pour les geeks.

Tel est le constat d’une étude sur « Le manufacturier avancé au Québec » qui sera diffusée à la mi-­avril par l’Alliance canadienne pour les technologies avancées (CATA). Basée sur un sondage des entreprises manufacturières, cette étude montre qu’il existe 7 300 robots au Québec, ce qui représente une base installée de 1,5 milliard de dollars. « Pour fabriquer dans un pays industrialisé à la main d’oeuvre relativement bien payée, il faut automatiser la chaîne de production, explique dans la préface de l’étude, le professeur Clément Gosselin, de Université Laval, directeur du laboratoire de robotique et titulaire de la Chaire de Recherche du Canada.

Or, le Canada est un pays de pointe dans le monde en matière de robotique. Cet avantage remonte aux injections massives de fonds dans la R-­D en robotique effectuée par le gouvernement fédéral dans les années 1990 et 2000. Il faut aussi compter avec l’aventure des bras robotiques Canadarm et Canadarm2 destinés à la Station spatiale internationale. Ainsi, quand GE Aviation a voulu créer un nouveau centre mondial de R-­D en robotique, elle a choisi Bromont. Elle y développe des processus avancés de robotique, des applications logicielles et des éléments de propriété intellectuelle qui sont exportés vers les installations de l’entreprise à travers le monde.

Ce n’est pas tant la hausse du prix de la main d’oeuvre en Chine ou dans les autres pays émergents qui suscite le rapatriement ou le maintien des entreprises au Québec. Comme l’indique le Pr Gosselin, il y a aussi « la prise de conscience chez les chefs d’entreprise que le lien entre le design et la fabrication est plus important qu’on ne l’avait imaginé dans le passé. Même quand on conserve le design au Canada, si on fait fabriquer ailleurs, il y a quelque chose qui est perdu. Qui plus est, les sous-­traitants étrangers qui fabriquent des produits conçus au Canada ont accès à tous les secrets industriels. Il ne faut pas s’étonner s’ils finissent par reprendre le design et continuent à fabriquer pour leur propre compte. »

La conclusion de l’Accord économique et commercial global (AECG) conclu en octobre 2016 entre le Canada et l’Union européenne (UE) a créé une situation nouvelle. Toute une série de pays industrialisés va avoir accès au marché québécois qui ne sera plus protégé par aucune barrière tarifaire. Or, plusieurs de ces pays sont plus automatisés que le Canada. On compte l’intensité de l’automatisation en nombre de robots par tranche de 10 000 employés. Le Canada compte 136 robots par 10 000 employés, mais l’Allemagne en compte 301, la Suède 212 ou encore l’Italie 160. Quant aux États-­Unis, ils comptent 176 robots par 10 000 employés.*

L’étude sur le manufacturier avancé évalue à 73% le taux d’entreprises automatisées au Québec. À première vue, c’est beaucoup. Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que seule une minorité d’entreprises est automatisée à 50% ou plus. Or, pour qu’il y ait adoption du nouveau paradigme industriel, il faut que plus de 50% des activités de l’entreprise soient automatisées. Cela signifie que le Québec est inégalement automatisé et que ses entreprises ne tirent pas un plein profit des robots qu’elles ont acquis. C’est le contraire du reste du Canada où le taux des entreprises automatisées est sensiblement le même qu’au Québec, mais où la quasi-­totalité des activités est confiée à des robots.

Tous les manufacturiers qui ont été interviewés se félicitent de l’acquisition de robots. Mais dans la majeure partie des cas, le volume de la main d’ouvre n’a pas diminué. Dans certains cas, il a même augmenté. Les entreprises se sont automatisées pour augmenter leur production et améliorer la qualité de leurs produits. Pas pour licencier du personnel. Tous les répondants s’accordent pour dire que l’impact sur le volume de la main d’oeuvre a été moindre que prévu.

Tout se passe comme si le Canada avait développé dans ses universités une expertise de calibre internationale en recherche robotique, mais n’était pas encore parvenu à faire passer cet atout dans les entreprises – surtout au Québec. Les chefs d’entreprise sont convaincus de l’importance des robots, mais trop souvent ils automatisent à la pièce, sans vue d’ensemble, en ayant peur d’automatiser pour automatiser.


L’étude 2017 sur le marché des robots et autres systèmes automatisés au Québec a été rendue possible par la contribution du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI) et du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ).

Téléchargez l’étude complète

Le rapport « Le secteur manufacturier avancé, enquête sur l’automatisation du secteur manufacturier au Québec » est maintenant disponible : 7 300 robots ont été déployés dans les entreprises québécoises, ce qui correspond à un investissement de 1,5 milliard de dollars.

Ce rapport de 140 pages + 33 tableaux, comprend :

  • Taille et nature des entreprises manufacturières;
  • Exportations hors Québec
  • Impact du protectionnisme américain sur les stratégies
  • Nombre de robots et autres équipements automatisés
  • Raisons pour automatiser l’entreprise
  • Impact de l’automatisation sur l’exploitation
  • 17 études de cas y compris Siemens, Cisco, Lantic, etc.
Je désire consulter l'étude

* World Robotics 2016: Industrial Robots”, International Federation of Robotics (IFR), 2016. Cf. p. 60.