Commercialiser un produit innovateur, moins le risque
Pour commercialiser un produit innovant, il faut non seulement convaincre les acheteurs de payer pour un produit qu’ils n’ont jamais vu avant, mais également y arriver rapidement pour assurer un rendement de l’investissement. Pas évident !
«La meilleure stratégie pour réduire le risque associé à l’investissement, c’est de vendre des antidouleurs plutôt que des vitamines», illustre Mathieu Lachaîne, président et fondateur d’Ubios, une entreprise montréalaise lancée il y a quatre ans et spécialisée en domotique. Autrement dit, le produit innovant doit répondre à un problème manifeste. Sinon, il faut déployer des efforts marketing importants pour convaincre l’acheteur qu’il a un besoin dont il n’est pas conscient.
Comme un produit répond souvent à plusieurs problèmes, il s’agit parfois simplement d’axer les communications sur le plus important de ceux-ci, explique Mathieu Lachaîne, qui sera conférencier à l’événement Commercialisation de produits innovants organisé par le Groupe Les Affaires le 25 avril. Son entreprise, par exemple, fabrique un système domotique destiné à l’immobilier résidentiel multilogements. Le système a trois grandes fonctions: prévenir les dégâts d’eau, notamment en coupant automatiquement l’alimentation en eau principale du logement lorsqu’il n’y détecte personne ; diminuer les coûts énergétiques, entre autres en chauffant l’eau et l’air seulement lorsque les occupants sont présents ; et remplacer le système de sécurité du bâtiment.
Au départ, Ubios mettait de l’avant les économies d’énergie potentielles. Au fil du temps, l’entreprise a constaté que la plus grande préoccupation des gestionnaires immobiliers était ailleurs. «Quand nous appelons des clients potentiels, nous réussissons à organiser 10 rencontres en 10 appels si nous parlons de prévention des dégâts d’eau», dit Mathieu Lachaîne. C’est donc là-dessus qu’il a axé ses efforts de développement au Québec.
Faire du terrain
Pour connaître les besoins du client et savoir quels bénéfices lui communiquer, il faut se mettre dans ses chaussures. Mathieu Lachaîne l’a fait en collaborant avec un gestionnaire immobilier.
André Morissette, président de Campagna Motors, l’entreprise qui fabrique entre autres le T-Rex, estime lui aussi qu’il est essentiel de faire du terrain. Quand il développe un nouveau véhicule, il insiste donc pour rencontrer de vrais clients ainsi que de vrais concessionnaires potentiels pour leur montrer un vrai véhicule.
Naturellement, cette démarche entraîne un risque, parce que l’investissement initial pourrait ne jamais être rentabilisé si le produit ne décolle pas. Toutefois, ce risque en élimine d’autres, souvent plus grands. En créant une première version fonctionnelle, une entreprise s’assure d’abord d’avoir les moyens techniques de fabriquer ce qu’elle présente à ses clients potentiels. «Parfois, on montre de beaux dessins aux acheteurs, mais on ne sait même pas si on peut livrer la marchandise. Et si je ne livre pas, il y aura des répercussions négatives sur mon image», dit André Morissette, qui sera lui aussi conférencier le 25 avril.
La production d’un prototype fonctionnel permet aussi d’évaluer la demande, particulièrement dans le cas d’un marché en définition, comme celui des véhicules à trois roues ou des téléphones intelligents il y a 10 ans. Dans de telles situations, une entreprise avance dans le noir. Quand une firme lance plutôt un produit innovant qui s’inscrit dans un marché existant, comme un nouveau traitement contre le cancer, il est plus facile d’évaluer le potentiel de vente.
Campagna Motors développe actuellement un prototype de véhicule électrique qui devrait être dévoilé au public ce printemps. André Morissette rencontrera des amateurs de voitures pour voir s’il serait en mesure d’obtenir assez de commandes et de dépôts pour rendre la commercialisation rentable. «On ne fera pas de sondage pour savoir si les gens veulent acheter un trois-roues électrique, raconte André Morissette. Ça intéresse tout le monde tant qu’il ne faut pas faire de chèque.»