5 conséquences de la refonte de la fiscalité des PME

juillet 20, 2017 2:50 pm Publié par Marilyn Remillard Catégorisé dans:

Afin d’augmenter l’équité du système fiscal canadien, le ministre des Finances du Canada vient d’annoncer que les «riches» devront faire davantage leur part en matière d’impôt sur le revenu. Pour ce faire, des consultations sur la planification fiscale au moyen de sociétés privées seront lancées. Voyons-en quelques conséquences.

Sans entrer dans le détail des mesures, voyons d’abord les grandes lignes de ce qui est proposé. Évidemment, ce sont des propositions. Certaines sont bien ficelées alors que d’autres nécessitent les suggestions des intéressés.

Les mesures se divisent en trois volets :

    • Mesures touchant la répartition du revenu dans une famille

Ces mesures visent à empêcher de diviser indûment le revenu provenant d’une entreprise entre les membres d’une même famille ainsi qu’à stopper la multiplication de l’exonération de gains en capital de 835 716 $ en 2017. Une série de nouveaux critères, plus difficiles à rencontrer que les précédents, devront être respectés afin de pouvoir profiter des possibilités de fractionnement de revenus.

    • Mesures touchant la détention d’un portefeuille de placement passif

Pour les sociétés exploitant une entreprise et investissant leurs surplus dans un portefeuille de placement, on propose un impôt supplémentaire pour tenir compte du fait que si l’argent avait d’abord été versé à un particulier, le montant investi aurait été inférieur à cause de l’impôt personnel à payer, généralement plus élevé.

    • Mesures touchant la conversion de revenu en gains en capital

On entend souvent dire qu’il est plus avantageux de vendre son entreprise à des étrangers qu’à des membres de la famille. C’est vrai dans certains cas. Même si le gouvernement est conscient de cette situation et entend possiblement remédier à ce problème (comme on vient de le faire au Québec), il veut contrer les stratégies visant à contourner les règles mises en place. Essentiellement, les mesures visent à distinguer entre de véritables opérations à caractère commercial et des stratagèmes permettant simplement d’éluder l’impôt.

Maintenant, les conséquences…

Conséquence #1 : le principal avantage de l’incorporation sera réduit

La plupart des gens d’affaires exploitent leur entreprise par le biais d’une société par actions. Cette société gagne des revenus, paie ses dépenses et l’actionnaire décide s’il se verse un revenu sous forme de salaire ou de dividende, selon ses besoins.

L’un des principaux avantages d’incorporer une entreprise est le report d’impôt sur les sommes laissées dans la société. Si cette dernière paie 18,5 % d’impôt, il est très possible que ce taux soit inférieur à ce qu’aurait payé l’actionnaire s’il avait reçu l’argent personnellement. En ayant plus d’argent à sa disposition, l’actionnaire, à taux égal, réalise plus de revenus de placement que le non-actionnaire.

Il semble que cet avantage disparaîtra et que l’impôt additionnel suggéré fera en sorte que le résultat final, dans les poches des individus, soit relativement identique, peu importe la situation.

Conséquence #2 : les médecins (et autres professionnels) vont y goûter!

De toute évidence, les médecins sont un des prototypes des personnes visées: beaucoup d’argent investi à chaque année dans leurs sociétés, partage des revenus avec le conjoint et les enfants majeurs. Certains médecins «sauvent» actuellement, à chaque année, des dizaines de milliers de dollars d’impôt. Le party est fini!

Conséquence #3 : les fiducies familiales seront moins populaires

On voit souvent, dans une structure corporative, des fiducies. Ces véhicules servent essentiellement à faire du fractionnement de revenus entre les membres d’une même famille. C’est le véhicule par excellence pour multiplier l’exonération de gains en capital dont j’ai parlé plus haut. Ici aussi… la fête est terminée.

Conséquence #4 : l’application des mesures sera possiblement difficile

Il est possible que les mesures proposées, particulièrement celles touchant les investissements dans les sociétés, requièrent le suivi de chaque source de revenu. Par expérience, lorsque la fin de l’exercice financier d’une société de portefeuilles n’est pas le 31 décembre, il est déjà compliqué de suivre les investissements afin de déclarer les bons revenus imposables. Si on rajoute une couche de complexité, j’ai bien peur que ça devienne complètement infernal…

Conséquence #5 : on ouvre peut-être une boîte de Pandore

Avec l’ajout, notamment, de critères de raisonnabilité dans plusieurs mesures, les tribunaux fiscaux seront plus occupés au cours des prochains mois et prochaines années. Même si on définit quelque peu la notion de « raisonnable » dans les mesures proposées, des précisions devront être ajoutées et les batailles juridiques ne sont pas terminées. Mais enfin… pour mener à une plus grande équité fiscale, qui peut s’y opposer ?

Source : Dany Provost, Les Affaires, 19 juillet 2017